Historique
L'histoire veut que la BD japonaise prenne naissance au 12ème siècle et qu'un ecclésiastique du temple de Kouzanji à Kyoto s'attaquât à une oeuvre satirique en quatre volumes "Choujugiga" ( que l'on peut traduire par rouleau des animaux ). Mais le terme Manga revient à Katsuhika Hokusaï, grand maître de l'estampe qui en 1814 entreprit une suite de caricatures grotesques en quinze rouleaux "Hokusaï Manga" qu'il mettra 20 ans à terminer.
On peut dès lors définir manga comme "images dérisoires". Mais ce sera aussi ce qu'une certaine élite européenne et américaine considère comme futilité artistique. Ceci, pour relancer le débat.
L'exportation de la BD japonaise s'est faite en deux étapes mais avec la même stratégie, en débutant par des feuilletons télévisés. La première étape fut les Etats Unis d'Amérique dans la deuxième moitié des années 80 puis, l'Europe dans les années 90. Certains pays comme l'Espagne et l'Italie ont rapidement été sous le charme tandis que d'autres pays comme la France qui gère déjà sa propre production de BD et qui préfère un support cartonné et un contenu coloré ( la plupart des mangas sont en noir et blanc ), mettra un peu plus de temps à accrocher. Mais une fois attelée, elle en deviendra la deuxième consommatrice.
Les mangas au Japon servent de défoulement collectif et permettent ainsi à la ville de Tokyo par exemple, d'avoir le taux de criminalité le plus bas de toutes les capitales industrialisées.
Le produit
Le Japon est le premier marché de la BD, ce marché en pleine expansion le rend détenteur de deux records, celui du nombre de titres publiés et de diversité de sujet. Les mangas y sont aussi un pur produit de consommation. Dans les revues, une histoire se lit entre deux stations de métro et est généralement jetée après lecture.
La mise en oeuvre d'un projet dépend d'une longue étude de marché, qui débute toujours par la publication de feuilletons dans la presse. Ce qui permet aux lecteurs, à l'aide de coupons réponses, de donner ses impressions. Si, celui-ci est favorable, on en exécute un tirage papier et par la suite, feuilletons télévisés, produits dérivés. La réussite est apportée par la diffusion d'un long métrage au cinéma. Il est aussi très rare qu'un dessinateur japonais donne les droits d'utilisation de ses personnages aux éditeurs. Ce qui les rend parfois très riches, mais aussi crée la disparition du héros en cas de décès du dessinateur.
Il existe un manga pour toutes les catégories de gens. Jeunes, vieux, adultes, hommes, femmes, adolescents, ... Il y en a des courts ( quelques cases où l'humour prédomine ), traitant de l'amour ( cheveux au vent, larmes et baisers ), de violence ( super-héros, sports, Science-fiction, Ninja, Samouraï, ... ) et pour adultes ( on ne peut montrer aucun organe en action au Japon, d'où l'utilisation de subterfuges par les auteurs : mécaniques, geyser ou autres tours qui gonflent. De plus, ces BD ont une forte tendance à la pédophilie et au sadisme ). Mais l'idée générale des mangas, c'est l'utilisation du mythe du self-made-man et cette image d'un Japon qui se veut occidental.
Technique
Au Japon, le sens de lecture est différent et s'applique aussi aux mangas. Le début est au verso du livre et on lit de droite à gauche et de haut en bas. Ce qui fait que, pour l'Europe et les Etats-Unis, les cases doivent être replacées et les bulles plus étirées ; ce n'est pas fait pour plaire à tous les dessinateurs. Aussi bien que depuis quelque temps, des collections nous imposent des mangas dans le plus pur style japonais.
Une seule chose disparaît pour la version occidentale, ce sont les onomatopées ( sons qui représentent une chose. Ex : "pang" pour un coup de fusil ) en Katakana ( le japonais utilise quatre sortes d'écritures, les idéogrammes, l'hiragana, le katakana et le romaji ).
Le Katakana est également utilisé pour l'écriture des chiffres, des noms et mots occidentaux. Ces onomatopées définissent le son de la pluie, la joie, le sucre tombant dans une tasse de thé ou la gêne par exemple. Une différence capitale par rapport aux BD européennes est le nombre important de grimaces effectuées par les personnages. Telles que bouches démesurées, yeux exorbités, narines fumantes, etc. Dans les mangas, une place est aussi réservée au silence. De nombreuses cases restent sans parole même dans un dialogue entre deux personnages. Ceci donne un sentiment de longueur et d'intensité à l'action qui se déroule.
Un reproche souvent fait aux téléfilms dérivés des mangas, c'est leur manque de finesse. On le doit d'abord au nombre d'images/secondes. qui sont au nombre de 5 im/sec tandis que l'on utilise généralement dans nos contrées, de 12 à 15 im/sec. Il y a aussi cette manie de réutiliser des plans qui se répètent fréquemment. Finalement c'est aussi dû à l'utilisation de longs gros plans sur les yeux du héros par exemple, pour souligner la tension ou la gêne.
Au Japon, la culture BD américaine et européenne n'est suivie qu'en feuilletons télévisés, ce qui est par ailleurs encore très rare.
Dessinateurs
L'honneur vient tout d'abord à Osamu Tezuka (1926-1989), qui après avoir fini ses études de médecine en 1946, publie "La nouvelle île aux trésors". Un gigantesque succès commercial qui sera suivi par beaucoup d'autres encore. Grâce à son coup de crayon mouvementé, il donnera un véritable coup de vieux aux mangas antérieures. Son style c'est le déplacement des points de vues et d'autres variations de plan. Une découpe proche de celle du cinéma moderne.
L'auteur de mangas le plus prolifique de tous les temps a touché à tous les genres. De la science-fiction au Far-west en passant par le Japon médiéval.
Mais en 1951, dans un Japon encore sous le coup des deux bombes atomiques lancées par les Américains, il crée son héros mi-garçon mi-robot, Astro Boy. Grâce à ce personnage, il sera le premier à donner une tendance humaine à un robot. Astro Boy ne combattra jamais avec les humains. Il les protégera contre les robots qui leur veulent du mal.
Ce côté humain revient en filigrane dans son oeuvre, tout comme le héros différent des autres qui lutte contre l'injustice. En 1961, il crée son propre studio de production Mushi Production avec lequel il réalise ses premiers longs métrages. Fait comique, "Mushi" signifie en français insectes ( ils pullulent dans son oeuvre ).
" Phoenix 2772" sera considéré comme son chef-d'oeuvre cinématographique qui aura nécessité l'emploi de 700 animateurs. Vers la fin de sa vie, il donnera à son oeuvre une tournure beaucoup plus romanesque, ce qui lui apportera encore plus de crédits.
Leiji Matsumoto donnera naissance en 1977 au pirate intergalactique le plus connu du monde des mangas, le Capitaine Harlock, plus célèbre sous le pseudonyme d'Albator. Le pirate évolue à bord de son vaisseau spatial l'Arcadia, à travers le XXXème siècle.
Gô Nagai crée "UFO robo grandizer" avec son célèbre héros Goldorack piloté par le courageux Actarus. Cette série est devenue populaire en introduisant des transformations de robot et par l'utilisation de certaines parties de son corps comme arme boomerang. Rappelez-vous du "fulguro-poing" , et du "astéro-haches". Le personnage est né d'une commande de la société de jouets Bandaï.
Masashi Tanaka est le père du petit Tyrannausore Rex ,"Gon". Son travail peut être considéré comme pédagogique. Contrairement au reste de la production nippone, lui n'utilise aucunement les onomatopées. Du fait d'avoir dessiné ce personnage, il est devenu végétarien.
Akira Toriyama. Faut-il encore présenter sa quête sacrée"Dragon Ball""? Parodie contemporaine d'anciennes légendes chinoises, le scénario puise dans la science-fiction, le merveilleux et le kung-fu. On sortira une cassette vidéo dérivée mais de moindre qualité, "Dragon Ball Z".
La seule chose qui reste à dire, c'est qu'une manga est simplement une bande dessinée et qu'il est triste de l'étiqueter comme on l'a fait avec certains peuples (heureusement là, on ne risque aucun mort). On peut dire dès à présent que le phénomène entre dans les moeurs, tandis que le meilleur et le pire pointent leur nez à l'horizon.